
En 2011, alors qu’il est militaire espagnol en mission en Afghanistan, William réalise ses premiers achats de gemmes. Ces acquisitions sont faites de manière instinctive, sans but commercial ni arrière-pensée : il profite simplement du lieu et de la situation pour commencer à explorer cet univers fascinant.
Plus tard, il entame des études de psychologie, mais les difficultés liées à la langue étrangère rendent le parcours complexe. Il décide alors de suivre un « plan B » : se former pour travailler avec les gemmes. Il prend des cours à l’ING (Institut National de Gemmologie), amorçant ainsi sa reconversion professionnelle.
William construit son activité autour de principes simples, mais exigeants. Son savoir-faire, sa patience, sa persévérance, sa dextérité et sa minutie sont des qualités essentielles qu’il applique à lui-même autant qu’à ceux qui travaillent avec lui. Il accorde une importance fondamentale à l’amour du métier et à une vision globale de son travail.



Il ne s’agit pas seulement de technique : William donne du sens à ce qu’il fait. Il prend en compte l’esthétique de chaque pièce et cherche à transmettre cette exigence à ses équipes. Nous avons évoqué ensemble ce que j’appellerais – même si le terme est un peu étrange – une approche holistique du bijou : une compréhension globale de la création qu’il sertit.
La vision créatrice initiale est, pour lui, un point de départ essentiel. À partir de cette vision, il englobe toutes les informations artistiques nécessaires pour sublimer la pièce. Il transforme la conception du bijou en un objet incarné, en l’interprétant à travers son savoir-faire de sertisseur.



Le métier de sertisseur est souvent marginalisé dans les ateliers de joaillerie. Comme le polissage, il est régulièrement externalisé. Pourtant, ce rôle est essentiel dans le rendu final de la pièce. William nous a parlé des spécificités de ce métier et des « signatures » personnelles que chaque sertisseur peut laisser dans son travail, même si elles restent discrètes.
Peu de gens savent que les sertisseurs, lorsqu’ils ne travaillent pas pour une grande maison, sont souvent payés à la pierre. À la fin du mois, chaque gemme sertie est comptabilisée selon un cahier de suivi rempli quotidiennement. Ce système, très rigoureux, est encore en usage dans de nombreux ateliers.

Il existe aussi un sertissage industriel, difficile à reconnaître pour les non-initiés. Si des pierres tombent facilement d’un motif serti, c’est parfois à cause de ce type de fabrication. Ce sertissage est souvent réalisé dans des pays comme l’Italie, le Portugal ou d’autres plus lointains.
Aujourd’hui, le sertissage est omniprésent dans les collections des grandes maisons de joaillerie. Le diamant représentant jusqu’à 90 % de la demande, les pavages deviennent centraux dans les créations. Ils recouvrent bagues, faces de bijoux, et mettent en lumière une pierre de centre. On peut sertir un diamant ou une pierre de couleur au centre, mais aussi créer des lignes ou des motifs originaux grâce à différentes techniques de serti.
William est le seul gemmologue que je connaisse à avoir lu entièrement le livre Dureté 10 de Monsieur Eddy – un véritable pavé. Il en a même fait un résumé pour des raisons professionnelles et d’examen. Je trouve cela admirable et je lui dis bravo ! Cela témoigne de sa rigueur et de sa passion.
Il connaît profondément son métier parce qu’il comprend la matière même avec laquelle il travaille : le diamant. Il en connaît les qualités, les failles, les possibilités. Et cela éclaire complètement sa manière d’aborder le métier.
Amoureux de toutes les gemmes de couleur, William a eu avec moi une attention particulière pour m’expliquer sa vision. Une vision proche de celle du créateur. Imaginez : un bijou dessiné sur une feuille A4 en 3D, avec des codes couleurs représentant les tailles, les hauteurs, les positions des pierres. William déchiffre ce langage et le traduit en réalité. Il sublime les créations en interprétant les intentions des créateurs, en les complétant de ses propres suggestions pour les rendre plus belles, plus cohérentes.
Ce que j’appelle la « zone de génie » de William réside dans cette capacité à prendre en compte la globalité d’un bijou. Son regard va bien au-delà du simple sertissage de pierres sur du métal. Son métier consiste à magnifier la pièce, à révéler sa singularité. Quand on peut le moins, dit-il, on peut offrir le plus. C’est ainsi qu’il conçoit sa mission de vie : faire rayonner chaque bijou à travers un sertissage inspiré et fidèle à la vision originelle.