Maxime Jaffray — À la croisée des chemins entre design industriel et joaillerie

J’appuie sur le bouton d’enregistrement alors que la conversation est déjà bien entamée. Maxime Jaffray me montre ses gouaches, ses bijoux, ses projets — autant d’objets témoins de son parcours. Nous discutons entre deux confinements, dans une parenthèse où la réflexion sur le sens du travail prend toute sa place.

Maxime est designer industriel de formation, diplômé d’un master dans une école spécialisée en design automobile. Mais très vite, il élargit son champ d’action. Sa rencontre avec la joaillerie remonte à une quatrième année d’échange à l’étranger, où il découvre les matières, le bois, le métal, les bijoux. C’est un choc, une révélation. L’expérience s’arrête là, mais la trace reste.

Le design comme lecture libre des codes et ADN d’une maison.

Au fil de mes questions, je découvre un parcours bien plus riche que je ne le soupçonnais. Car oui, nous avons travaillé ensemble. Mais non, je n’avais pas saisi toute la singularité de son chemin. Et je le regrette un peu. Maxime est de ces collègues qu’on aimerait rencontrer plus souvent : atypique, précis, engagé.

Du design automobile aux maisons de joaillerie

Partir du design automobile pour arriver chez les grands noms du luxe, ce n’est pas un itinéraire classique. Et pourtant, Maxime l’a fait. À travers ses stages, ses projets, il se rapproche peu à peu de la joaillerie. La transition est subtile mais déterminée.

Il parle du design avec une vision large : ADN de marque, sens, finalité. Il revendique une liberté d’interprétation des codes, une capacité à s’en affranchir pour mieux créer un style, un univers. C’est un designer qui réfléchit, qui honore sa discipline en en parlant avec justesse.

Gouaches, colliers, montres… et gravures réglementaires

Chez Cartier, il intervient comme consultant externe sur un projet bien particulier : la refonte des standards de gravure. Un sujet technique, fastidieux même — il s’agit des mentions légales gravées sur les bijoux. Ce n’est pas glamour, mais c’est crucial. Et surtout, cela touche à toutes les époques, à tous les ateliers, à tous les objets.

Prévu pour durer six mois, le projet s’étale sur deux ans. Maxime collabore avec les ateliers, les prestataires, les fournisseurs. Il faut harmoniser les pratiques, mettre tout le monde sur la même longueur d’onde. De l’intérieur, c’est un collaborateur comme un autre. De l’extérieur, un prestataire hybride. Ce statut, il l’assume avec une vraie souplesse.

Une seconde révélation : l’École Boulle

En parallèle de ses missions, Maxime retourne sur les bancs de l’école — le soir, à l’École Boulle, pour compléter sa compréhension technique du métier. Il y cherche une vision plus globale, une maîtrise fine des savoir-faire. C’est un deuxième déclic dans sa trajectoire.

Entre innovation et tradition

Ses projets sont multiples. Son champ d’action, très large. Il peut aussi bien imaginer un meuble qu’un bijou, penser une pièce unique qu’un objet reproductible. Il voit dans chaque création un même défi intellectuel : celui de faire dialoguer matière, forme et usage.

Maxime se situe en permanence à la jonction entre deux mondes : celui des savoir-faire séculaires et celui des matériaux innovants. Il construit des ponts. Il assure la transition entre l’artisanat et l’avenir. C’est un équilibre exigeant, une gymnastique constante. Et il le fait avec finesse.