Anaëlle Gobinet, l’art de faire parler les bijoux de scéne oubliés

C’est lors des Journées Jeunes Chercheurs de l’École Mécène par Van Cleef & Arpels que j’ai rencontré Anaëlle Gobinet. Depuis 2017, elle consacre sa thèse à un sujet aussi fascinant que méconnu : les bijoux de scène, ces ornements de métal non précieux, faits pour briller sous les projecteurs mais trop souvent relégués dans l’ombre des réserves muséales.

Historienne de l’art, bientôt docteure, enseignante, commissaire d’exposition, Annaëlle évolue entre les coulisses de l’Opéra Garnier, de l’Opéra Comique et des musées en France et à l’étranger. Elle mène une enquête minutieuse dans les archives, les livres de comptes, à la recherche d’ateliers oubliés, d’artisans sans signature, pour faire renaître une histoire précieuse du geste et du décor.

Son travail explore les objets sacrés comme les bijoux de Torah, les bijoux de culte ou les parures de comédiens — souvent considérés comme secondaires, voire anecdotiques. Pourtant, derrière ces pièces parfois kitsch ou exubérantes, se cache une technicité comparable à celle des grandes maisons de joaillerie.

Avec une finesse rare, Anaëlle décortique aussi la notion de style — notamment celui de l’orientalisme — en le replaçant dans ses contextes esthétiques, historiques, mais aussi politiques. Qui fabrique ? Pour qui ? Et que dit cet objet du monde qui l’a vu naître ?

Au fil de l’entretien, on comprend mieux la nécessité de patrimonialiser ces objets. Car, longtemps cassés, détruits, réutilisés, ils sont aujourd’hui reconsidérés. Leur silence est peu à peu brisé. Et c’est aussi grâce à des chercheuses comme Annaëlle que cette mémoire reprend forme.

Dans cet épisode, on parle de bijoux, oui. Mais on parle surtout de mémoire, de savoir-faire, de transmission et de regard. Et de cette joie profonde de faire émerger un monde que l’histoire officielle avait un peu trop vite relégué au second plan.

La thèse d’Anaëlle Gobinet, entamée en 2017 et soutenue en novembre 2024, explore un territoire encore largement inexploré : celui des bijoux de scène et de culte, entre artisanat, histoire de l’art et anthropologie. En trois volets, elle interroge d’abord les artisans, les matériaux et les circuits de production, souvent situés dans les coulisses parisiennes des théâtres. Elle analyse ensuite le style orientaliste, tel qu’il s’exprime dans ces bijoux spectaculaires, reflet d’une vision européenne fantasmée de l’Orient. Enfin, elle s’attache à comprendre la valeur symbolique et esthétique de ces objets souvent relégués — considérés comme « faux », « pauvres » ou kitsch — en les réinscrivant dans une histoire plus large du goût, de la patrimonialisation et des usages sociaux du bijou.

Cette recherche, unique en son genre, donne une voix aux objets oubliés et questionne profondément notre rapport à l’art dit mineur.