Parlons de cette journée de rencontres. XXéme Rendez-vous gemmologiques de l’AFG.
Tout en restant à Paris – AFG grâce à cette journée de conférences nous a fait voyager dans des contrées lointaines, des pays au bout du monde, parfois dans le passé reculé presque préhistorique de la Terre.
Nous sommes descendus dans le grand bleu en combinaison de plongée pour aller chercher du corail et nous avons été les premiers de cordées pour rechercher les cristaux des montagnes ; des passionnés, des scientifiques, des ingénieurs nous ont parlé de leurs métiers et de cette notion d’éthique.
Tous ont à cœur de parler d’éthique, comment ils la vivent au quotidien et dans leurs métiers.
L’éthique a été abordée de manière spécifique par les gemmologues et les professionnels des gemmes, par les valeurs de nos conférenciers ou par leur savoir et grâce à leurs expériences. Chacun a évoqué les valeurs qu’ils mettent dans leur métier. Parce que nous savons de quoi nous parlons quand nous parlons de nos métiers. Chacun de nous.
Notre prisme est volontairement de parler d’éthique par le quotidien, par les professionnels que nous recevons.
Pour préparer cette journée, j’ai été surprise de voir comment ils sont tous concernés par cette notion d’éthique – cela n’est pas un vain mot, mais délimiter la surface de l’éthique est un vaste sujet sans jamais voir les limites ou abords. Même si c’est un mot à la mode, qui intéresse le grand public. Mais vous savez comme moi que la mode passe et l’éthique reste à définir.
Donc AFG a proposé aujourd’hui de vous donner des pistes de réflexion.
Commençons par le sud et son précieux des mers

CORAIL ROUGE : pêche sélective et passion « avec Jean Philippe GIORDANO »
Je vous propose de commencer par fermer les yeux et vous imaginer en Corse ! le bleu du ciel avec le bleu de la mer ne fait qu’un. Enfilez votre combinaison de plongée et nous allons suivre Jean Philippe GIORDANO en plongée. -100 mètres dans les bouches de Bonifacio. Si dans le passé, le corail était ramassé en plongée apnée ; maintenant elle se fait grâce à un scaphandre autonome et à une époque, la croix de Saint André a véritablement tué des fonds marins en draguant la mer.
Par contre la plongée pour cueillir du corail c’est sportif. 20 minutes dans le reflux de la mer et des courants et 4 heures de décompression. Jean-Philippe, quand il parle du corail et de la mer, il est dans son élément.
Mais je vous jure que je vais descendre à Bonifacio et aller voir cette pêche de plus près et voir cueillir le corail.
Mathieu MOULIN : ingénieur géologue – l’ouverture d’une carrière d’améthyste en France. Est ce un casse-tête administratif entre écologie et marketing et passion pour les minéraux ?

Dès le début de notre conversation, j’ai eu droit à une mise au point – Mines et carrières sont des notions d’un point de vue réglementaire différentes – et c’est surtout lié à la substance qui sort du sol et peu importe que ce soit un site à ciel ouvert ou en souterrain.
L’Auvergne, vous en avez entendu parler par des maisons de joaillerie qui utilisent leurs saphirs, parce que des gemmologues partent à la recherche de cristaux. Ce matin – Mathieu – présent à la conférence vous emmène dans la pérégrination administrative et humaniste de leurs aventures car il a à cœur de trouver et de créer un rapport humain à tous les niveaux dans leurs projets. de l’extraction à l’exploitation aux rapports commerciaux qu’ils veulent mettre en place. Cette fameuse améthyste – MAIS pas que car il y a des saphirs aussi – va être déclinée selon différents produits de décoration et de lithothérapie et aussi comme projet de travailler cette matière comme peut l’être le marbre. J’ai vu des échantillons de cette gemme et Celes-ci sont d’une belle intensité, d’un violet profond et j’ai compris de quoi il parlait quand il évoquait de travailler la pierre comme un marbre. Cette teinte ornée de brillance me plairait comme dessus de table. Grande Classe !

Éthique de la cristallerie de haute montagne ; entre pillages et exploitations raisonnées, un bilan à faire entre code d’honneur et loi de la République par Christophe PERRAY, cristallier
Être cristallier pour Christophe est une découverte faite à l’âge de 7 ans – un coup de foudre, une rencontre du feu de la pierre sur la glace. Ce sont ses propres mots et depuis, il est tombé amoureux , il en a été imprégné pour toute une vie.
Tout chez cet homme est dans la transmission, nous transmettre sa discrétion dans ce milieu de cristallier car il ne faut rien détériorer, laisser la nature comme si on n’était pas passé là et transmettre sa connaissance du vaste monde, de ces aventures vécues. Savoir parler de la montagne et du monde des alpinistes et cristalliers nous a permis de prendre un grand bol d’air.
Alors l’été, vous le trouverez dans les Alpes à la saison des cristaux quand la neige fond et que les rochers sèchent. Cette partie de vie, il va en parler avec ses règles et beaucoup d’éthiques et de morales d’hommes de terrain.

Découvrez sa vie et son livre comme ethnologue sur plusieurs continents et lisez les rencontres qu’il a faites avec de multiples peuplades et faites partie des premiers de cordées avec lui.
L’avenir du diamant et des diamants de synthèse sur les marchés internationaux par Eddy VLEESCHDRAGER, président du European Certification Institute for Consultants and Experts : Le diamant de synthèse soulève de plus en plus de débats passionnés.

Attention Messieurs et Mesdames, nous entrons dans une zone de turbulences ! Accrochez votre ceinture. Nous allons parler de diamants de synthèse. Ça y est ! Le mot est lâché.
Avez-vous remarqué actuellement la communication qui se fait quand on parle de diamants de synthèse ? C’est le sujet le plus médiatique et qui a droit à maintes fake news ! De nombreuses approximations ! Et des discussions dans tous les sens. Bientôt ce sujet va s’inviter au dîner de Noël avec belle-maman. Tout le monde a une opinion et sur tout une opinion.
Mais quelle est la réalité ? Pourquoi le diamant de synthèse sacralise une telle mauvaise communication ? Quels sont les enjeux ? Quelles sont les valeurs des diamants ? Quels sont les outils pour les dissocier ? A-t-on peur du tri entre diamant naturel et diamant synthétique qui ne se ferait dans les mêlées ? A qui et à quoi se fier ?
Des questions ont fusé dans tous les sens et bien des nuances ont été apportées et surtout de la clarté dans ce sujet qui ne fait que commencer à faire parler de lui et rejouent pas mal de cartes dans l’identification et les certificats et tous les protagonistes du milieu.
Entre certification et fascination : les enjeux de l’éthique pour les gemmes et les perles par Laurent CARTIER

Laurent travaille sur les enjeux que portent les gemmes. Du fait de sa profession avec le laboratoire SSEF de Bâle spécialisé dans les pierres de couleurs et pierres fines, il a une vision très technique – limite scientifique. Sans parler de son master sur le rubis et saphir de Madagascar. Tout un programme n’est ce pas ! Mais Laurent, dans son discours, perçoit la part d’humanisation à injecter dans son domaine, se centre aussi sur l’aspect humain de toutes règles et principes et voit quel est l’impact humain à tous les niveaux sur tous les continents.
Il n’y a pas de règles ; il n’y a que des exceptions en terme d’humains.
Je vous invite à écouter Laurent sur le podcast Precious Talk de Chaîma Teisseire.
L’écouter a été une grande leçon d’humanité et beaucoup de nuances sont apportées sur ce monde des gemmes où rien n’est noir ou blanc, ni juste, ni mauvais avec les entreprises multinationales et que l’on oppose aux mineurs. Les bonnes intentions peuvent faire autant de dégâts sans l’air de rien. Je garde en tête la phrase de « comment mettre un prix juste à une gemme ? » et “c’est quoi et comment faire un commerce équitable ? “ Rien que cela, je suis déjà déstabilisée par les réflexions et la façon dont il rapporte et compte le monde qu’il a parcouru.
OUI rien n est ni noir ni blanc et ne pas se laisser berner par les histoires d’écoblanchiment.
Comment définir ce type business des gemmes ? Il y a une différence entre le business des diamants et les pierres de couleurs. Entre ce que cela coûte et ce que cela peut rapporter ? Il faut définir les termes utilisés à mauvais escient et pour bonne conscience et les “envies des clients” qui ne doivent pas faire la tendance du marché.
Un film magnifique qu’il a tourné en Afrique en Sierra Leone sur les diamants en rivière m’a ébloui par la présence de ces hommes aux quotidiens pas facile mais si souriants et si philosophes. Je suis sûre que leurs phrases et leurs sourires et leurs approches de vie vont m’accompagner longtemps quand je parlerai des diamants de rivière.
Rien n’est bien ou mal. MAIS tout est question de nuances et de connaissances. Et cela ne rend pas la discussion plus facile mais les réflexions sont là et les piéges visibles à l’oeil nu.
Histoire et éthique d’une famille de diamantaires par Philippe BLOCH, négociant : Une saga familiale sur plusieurs générations a connu bien des aventures.
Savez vous faire la différence entre mythe / réalité / légende ?
- Le mythe, c’est être diamantaire dans une histoire de famille sur ce siècle.
- La réalité, c’est l’entendre parler et se présenter avec humilité.
- La légende, c’est parler de noms et d’époques qui sont dans des livres et qui appartiennent à notre histoire de la joaillerie.
Je me suis posée la question suivante quand on s’est parlé. Pourquoi la vie de cette famille n’est pas dans un livre, pas un film, une série ? Quand on s’est parlé, je me suis dit comment réussir une success family business sur 100 ans.
Comment faire pour être aussi célèbre et aussi discret ? Quelle est la formule magique pour être si discret et si influent dans le milieu. C’est quoi un héritage familial professionnel ? Comment ça se transmet ? Quels sont les conseils que l’on reçoit de son père ? Quels sont les conseils que l’on donne à ses enfants ?
Ivoires de mammouth, un risque écologique et paléontologique ? par Erik GONTHIER, ethnominéralogiste et chercheur : L’ivoire de mammouth entre dans les marchés internationaux via la Russie. Des interdits venant de Chine tentent de limiter les importations.
Nous allons parler d’ivoires de mammouth et d’éléphants du temps glaciaire de comètes de fin du mondes et d’îles au bout du monde. Ca pourrait être le scenario d’un film genre Jurassic Park. Nous allons être sensible à l’éthique aux discours d’Eric sur un monde passé et un monde lointain. Avant de discuter de l’éthique de cet ivoire, il a fallu déterminer les éléments en présence , définir des notions. Ivoire d éléphants ou de mammouth ? business ou collections ou bien matériels de l’humanité ?
L’ivoire de mammouth est-il entrain d’infiltrer et de remplacer l’ivoire d’éléphant ? Comment dissocier les 2 ? Oui une dissociation est faisable et identifiable de manière très scientifique. Certains mammouths sont retrouvés sur l’Ile de Wrangler – côté russe et océan arctique. Leur état est tel que les scientifiques ont pu extraire leurs ADN et pensent ou testent – ? – leur réintroduction. Le grand froid qui les a tués, les a protégés de la destruction et disparition totale de leur espèce. Attention mais maintenant, entre réchauffement climatique et interdiction de ventes d’ivoires d’élèphants, le trafic est présent. La vigilance est de rigueur et notamment en Chine qui inonde de certificats et autres le marché
Marqueterie de pierre dure : et si les roches ornementales venaient à manquer du fait de leurs protections ? par Hervé OBLIGI, lapidaire et maître d’art. De plus en plus de roches ornementales font l’effet de protections écologiques, ce qui pourrait paralyser le monde de la marqueterie de pierres dures. De même, cette spécialité lapidaire commençant à se perdre, est-ce que les savoir-faire vont aussi disparaître faute de candidats à la reprise ?
Tout au long de cette journée, nous avons parlé de gemmologie en termes d’ingénieurs, de scientifiques, de techniciens. MAIS là nous allons aborder l’aspect créatif de la gemmologie en la personne d’Hervé. Vous allez voir son œil d’artiste, son œil de peintre, son œil de coloriste.
Nous avons une relation en commun – Philippe Nicolas avec qui j’ai travaillé – Nous avons un passé en commun avec Cartier ; j’ai vu se réaliser de superbes bijoux. La marqueterie permet de retrouver Hervé dans les salons des artisans. Lors de notre entretien nous avons parlé de la table d’apparat que le Musée Nationale d’Histoire Naturelle avec l’exposition VCA avait mis en scène tout de suite sur la gauche en rentrant dans la 1ére salle , j’ai de magnifiques photos de cette table . Et j’ai retrouvé ce type de tables dans 2 musées en Europe en Italie Musée Borghèse et au Louvre.
C’est la partie qui m’émerveille le plus quand en gemmologie on évoque l’Art de la Glyptique et dans la marqueterie. Hervé a su nous parler des pierres qui n’existent plus car les mines sont fermées et ils restent quelques pièces en récupération ou à chiner. Comment sauver les œuvres d’art pour plus tard si les pierres manquent ?
Par ailleurs je voudrai vous parler du statut de Maître d’art d’Hervé car c’est propre à la France d’honorer le savoir-faire transmis aux élèves. Ces 2 élèves étaient présents et m’ont parlé qu’ils ont dû attendre + de 3 ans pour être acceptés comme apprentis. Chaque année, ils revenaient vers Hervé et postulaient. Ce métier suscite des vocations et pas des moindres. Et c’est une bonne nouvelle pour l’avenir.
Le seul équivalent à Maître d’Art que je connaisse est au Japon et c’est reconnaître les maîtres artisans comme des trésors nationaux. J’aime assez cette expression aussi. TRESOR NATIONAL – pour honorer les Maîtres de leur vivants – un expert dans son domaine / dans la transmission du savoir / un Maître qui apprend le savoir faire – TRANSMETTRE-
Il y a aussi en lui une part qui veut faire vivre la marqueterie dans l’art moderne. Avec du jaspe rouge il a créé un plateau magnifique dans l’esprit “Street Art“. Ca vaut le déplacement. L’Art et la Manière de s’exprimer ! quel que soit le support et la matière. Il joue de la couleur, des pierres et des motifs et matières et il sait être un trait d’union entre le passé flamboyant Renaissance d’une table et le XXIème siècle de graffeur.
Merci pour cette journée à l’AFG.

Je tiens à remercier les conférenciers qui ont contribué à donner du sens à des métiers peu connus, mal connus et mal définis dans les rapports et aspects réglementaires. Aujourd’hui, tout le monde a appris beaucoup de choses. Les rencontres de cette journée ont été riches et tellement enrichissantes.
J’ai adoré mon rôle de Maîtresse de cérémonie. Ce n’est pas facile de parler face à un public aussi diversifié, car il y a des passionnés, des amateurs éclairés et des professionnels en manque d’informations, ainsi que d’autres personnes très enthousiastes. Les conférenciers ont su conquérir le public et le temps d’échanges et de questions prévu n’était visiblement pas assez long, car les questions ont fusé. Il a été difficile de reprendre le micro et de faire respecter le timing.
Pour une première, j’ai aimé trembler face au public et me lancer. La timidité s’est invitée mais n’est pas restée, visiblement de passage. Et je compte sur vous pour reproduire l’expérience. Et comptez sur moi pour être à la hauteur.
